Création de la commune de carqueiranne le 3 février 1895 : il y a 130 ans aujourd’hui

Monsieur René Ghiglione avait légué ce texte à Monsieur le Maire Arnaud Latil.
Retour sur un moment de l’Histoire de notre Commune.

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« CARQUEIRANNE,

Tout débuta par l’indépendance crauroise qui n’est pas sans conséquence sur le reste du territoire hyérois. Ailleurs aussi, les velléités d’auto-gestion prennent forme. De multiples facteurs contribuent à leur émergence : éloignement des services, méconnaissance des reponsables quant aux lieux qu’ils administrent, sentiment de bien commun sur une partie délimitée cultivée depuis des générations.

La particularité carqueirannaise est qu'il n'y a pas de village au sens premier du terme. Le territoire comprend une multitude de hameaux et lieux-dits dont certains ne regroupent guère plus d'une vingtaine de maisons. Cette évolution s'étoffe peu à peu dans les esprits par l'érection de bâtiments symboliques propres à chaque commune.

À l'été 1849, après trois ans de travaux, l'église Sainte-Madeleine célèbre son premier office. En 1852 un adjoint spécial pour Carqueiranne est présent au sein du conseil municipal de Hyères mais il faut attendre près de trois décennies pour que des structures notables s'ancrent dans le paysage. Ce sera d'abord en 1880 la création d'un bureau télégraphique décidée par le ministre des Postes et télégraphes puis en 1885, l'inauguration de l'école communale laïque mixte Jules Ferry et du bureau de poste en 1889.

Sur le plan administratif, on note en 1882 un arrêté du préfet du Var relatif à la demande de création de la commune et une enquête publique concernant l'autonomie en 1889 avec l'élection d'une commission spéciale.

Sur place, un homme va s'avérer être l'un des promoteurs les plus actifs de cette séparation. C'est Félix Rebufat, ancien agent voyer, qui n'est autre que l'adjoint spécial de Carqueiranne ! Et sa quête pour l'indépendance carqueirannaise va s'accompagner de quelques caleçonnades et coups d'éclats qui inspireront plusieurs articles à la presse de l'époque. Notons d'abord les récurrentes réclamations de ce dernier lors des conseils municipaux et dont les procès-verbaux portent la trace. En effet, l'adjoint lance fréquemment des piques au maire de l'époque, le médecin Charles Roux. L'inimitié entre les deux hommes atteint un paroxysme clochemerlesque à partir du 12 juin 1890. Personne n'ignore alors que l'ancien agent voyer se voit déjà maire de Carqueiranne. Pour l'heure, il n'est alors qu'adjoint et s'insurge qu'une lettre décachetée lui ait été envoyée sus la simple mention d'adjoint spécial à son domicile. L'édile répond que ce fait regrettable n'est pas de son fait et ne se renouvellera plus : et de préciser que n'ayant pas la confiance de cet adjoint, il s'occupera personnellement des affaires de Carqueiranne ! Esclandre de Rebufat qui se voit d'ailleurs retirer ses délégations mais prépare le retour de flamme. Moins d'une semaine plus tard, Rebufat disparaît, lit-on dans la presse, en emportant les registres de l'état-civil !

À la fin du mois, nouvel épisode au sujet d'une question d'attribution :

Roux se rend  à  Carqueiranne  pour  unir  deux  jeunes  gens mais Rebufat refuse de livrer les registres de l'état-civil, prétendant avoir le droit exclusif d'officier pour les mariages dans la localité ! La noce se retire avec forces protestations et en maugréant, attendant sous un orme que   la   lutte   homérique   se   termine.   De   guerre lasse, Roux laisse Rebufat célébrer le mariage... à son domicile privé ! Le parquet et le sous-préfet sont néanmoins saisis de l'affaire.

Ces divergences ne font que renforcer d'une part les souhaits d'indépendance et de l'autre ceux de se séparer de cette section dissidente ! Ainsi, les lecteurs du Hyères Journal découvrent en janvier 1894 un article assénant que par l'érection de certaines sections indépendantes, nous serions libérés d'une charge budgétaire dont les sections de Carqueiranne et de La Londe profitent indûment, puisqu'elles se déclarent capables de se suffire à elles-mêmes.

Cela, en outre, couperait court à tous les ennuis qu'engendrent toujours les divergences d'intérêts. Le 26 novembre 1894, la Chambre des Députés mentionne à l'ordre du jour les discussions du projet de loi tendant à distraire de Hyères la section de Carqueiranne pour l'ériger en commune. Un mois plus tard, le 26 décembre 1894, la loi officialisant l'érection en commune distincte est promulguée.

Le 3 février 1895 a lieu la première réunion du conseil municipal pour organiser la commune ; s'ensuit l'élection du conseil municipal et de son maire. Félix Rebufat revêt (enfin) l'écharpe tricolore. Ce premier conseil a la volonté de créer une agglomération en la dotant d'équipements structurants qui fédéreront les divers quartiers ou hameaux (construction d'un hôtel de ville, d'une grande place publique...), bref, en créant un centre au hameau de la Trélette...

Moins de quinze ans après, la gare de Carqueiranne est inaugurée, la commune reçoit son blason et des modifications du territoire communal sont effectuées sous la forme d'échanges de terrains avec la commune de La Crau.

Quant à Félix Rebufat, il n'eut guère le temps de voir tout cela ! Il meurt quatorze mois après son élection. Un parking porte aujourd'hui son nom. »

L’histoire de Carqueiranne se poursuit….